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Activités Dominique Vibrac
14 juillet 2014

BIENTOT LA SAGA 116.

Bientôt vous pourrez découvrir la saga 116  que j"écris avec Julian J. Vossen : une fiction romanesque sur fond de la guerre de cent ans. Ecrite POV. Extrait

 

POINT DE VUE DE JEANNE DE BELLEVILLE

Le lendemain du jour où une telle révélation m'est faite, au milieu du jour, un palanquin de pourpre fait son irruption dans la cour intérieure du château. Un mystérieux visiteur, vivant manifestement dans l'opulence. Deux valets entourent la litière tirée par deux chevaux.

Un étrange petit homme, tout de rouge vêtu, les cheveux blonds épais et le regard vert de malice, jaillit de la litière comme s'il était sur des ressorts. Le sol est verglacé mais cet étonnant farfadet n'en a cure et semble voler au-dessus des couches de glace comme s'il avait des ailes. Les ailes de la ruse mais aussi du charme. Car il émane bien de lui un certain charme. Envoûtant même, et en tout cas mystérieux.

Je ne sais trop quoi penser. Est-ce une bonne personne ou un être maléfique comme beaucoup, hélas, de ces êtres de petite taille, peut-être porteurs d'un lourde malédiction ? Je n'arrive cependant pas à détourner mon regard du sien. Comme s'il y avait en son regard une force qui faisait ployer toute volonté, une énergie secrète. Peut-être magique qui sait ? En tout cas, la voix de ce nain pas comme les autres était très douce et il avait l'art de capter l'attention et même la sympathie. A l'évidence, il émane de toute sa personne un rayonnement de sorte que je consentirais sans peine à toutes ses requêtes. Et pourtant, d'ordinaire, je suis méfiante, et moi-même séductrice. J'aime manipuler les hommes , les conduire là où j'entends les mener. Cette manipulation est au demeurant assez innocente car j'ai toujours pensé au fond de moi-même que les intérêts partagés permettaient les plus grandes et les plus belles victoires. Mieux vaut se faire de nombreux alliés que des débiteurs éternels ou des jaloux intempérants. Mais là, pour le coup, c'est moi qui ai l'impression de ne plus avoir du tout le contrôle de la situation. Il est vrai que cet inconnu a surgi par surprise. Je ne sais ni d'où il est, ni d'où il vient, ni ce qu'il cherche. Veut-il conquérir mon cœur ? Ou ma fortune ? Qui saura m'éclairer et me conseiller ? Peut-être le Frère Guillaume mon confesseur très estimé ? Du moins s'il n'était pas parti en pèlerinage à Tours sur la tombe du grand saint Martin.

En tout cas le petit homme est charmant autant que charmeur. Narquois et délicieusement urbain. Il se présente comme Guido Baglioni, noble marchand de son état, désireux de vendre des pierres précieuses à de gentes dames, à de très bon prix.

  • des pierres qui me viennent tout droit des Indes. Mystérieuses et sublimes. Dotés en outre de pouvoirs spécifiques...

  • Elles sont en effet très belles. Cette émeraude très grosse que j'aperçois me semble une pure merveille !

  • Vous savez, gente dame, que ces vertes merveilles que nous dénommons « émeraude » sont considérées comme « cœur de pierre », autrement dit la quintessence sublime du monde. On leur reconnaît une provenance magique.

  • Il m'en souvient que Pline l'Ancien et déjà Hérodote se plaisent à nous décrire des colonnes, des obélisques resplendissants taillés dans cette pierre. Qu'ils présentent comme d'émeraude.

  • En fait, gente dame, il s'agit-là d'autres pierres analogues mais bien moins précieuses. Ou quelque verrerie adroitement biseautée. En revanche, par des révélations secrètes que je ne peux vous dévoiler j'ai appris l'existence d'un endroit lointain où des pierres rares sont foison.

  • J'ai le sentiment que vous lisez au plus profond de mon cœur. Que vous y découvrez des pensées secrètes et des désirs inavoués. Que je n'ose me dire à moi-même ni même à mon confesseur. Des envies que Dieu seul, peut-être, identifie.

  • Derrière les pierres, c'est le cœur et le sexe d'un homme que votre noble seigneurie désire acheter. C'est au demeurant pourquoi vous ne regardez pas à la dépendance, quitte un jour à être ruinée. Mais ce que votre seigneurie attend lui semble un bien d'une telle valeur que vous voilà êtes prête à bien des sacrifices, à de nombreuses inconséquences, et à vous exposer vous-même à bien des dangers. J'ai le don de lire dans les âmes. La vôtre est frustrée et troublée. Votre époux est chaste et sage, intelligent et bon. Mais il lui manque cette spontanéité animale qui plaît tant aux femmes, surtout aux plus intelligentes, et qui caractérise les tempéraments les plus incandescents. Qui vous rend cette jouissance immédiate de la vie qu'un penchant trop affiné pour la réflexion écarte parfois ou rend plus improbable.

  • Vous lisez dans mon cœur comme dans un livre ouvert Messire. En effet j'aime Olivier, mais de plus en plus comme un ami et de moins en moins comme un amant. C'est une belle affection qui nous unit désormais. Tendre, sereine et lumineuse. Mais il y manque le feu de la passion, le sel de l'aventure.

  • C'est pourquoi, gente dame, me voici chez vous. C'est la Providence qui me conduit chez vous, qui guide mes pas et m'inspire ces paroles.

  • Vous ne croyez pas si bien dire... Avant que vous n'arriviez, mon cœur et mon esprit étaient animés par un trouble très profond. Je viens d'apprendre une nouvelle dont hélas je ne peux sous peine de faute très grave vous divulguez la nature. Une nouvelle qui remue jusqu'à la profondeur de mes entrailles. Mais je m'égare... En tout cas, soyez le bienvenu parmi nous, Seigneur....oh pardonnez-moi, j'ai oublié votre nom !

  • Guido Baglioni, pour vous servir Madame.

Je n'ose me l'avouer à moi-même mais cet étranger m'a profondément ébranlée. Il a des yeux de braise et semble me comprendre de l'intérieur. Je ne suis pourtant pas facile à manipuler d'ordinaire. Et là j'ai tellement envie qu'il me manipule..

La nuit suivante, mes rêves sont peuplés d'étranges personnages et d'images inquiétantes. Je vois Guido Baglioni avec une couronne en or sur la tête, et des pierres précieuses. Il est encore plus beau qu'en réalité, et grand. Il n'est plus un nain, mais un beau jeune homme. Un prince, non un jeune roi. Mais son sourire change et se transforme en rictus. Plutôt inquiétant. Terriblement inquiétant. Et tout à coup se superpose l'image d'un monstrueux et gigantesque serpent, vert et jaune, tenant entre ses crochets une immense émeraude d'une insurpassable beauté. A côté, en danger, je vois mon cher enfant, enfin celui qui lui a été substitué, qui pleure et qui crie. Dans un nuage de fumée, le serpent se transforme en sombre dragon aux noires écailles. Il dévore Jean d'une seule bouchée. Je me réveille en sueur. Olivier semble dormir paisiblement à mes côtés. Je regarde son corps nu, musclé mais qui ne suscite pas vraiment d'excitation en moi. De la tendresse, plutôt. Et voici que je me plais à rêver sans m'être rendormie. A la place d'Olivier nu dans mon lit il y a Guido au corps fin et bronzé, imberbe et adorablement sculpté. J'éprouve un désir intense, rendu encore plus vif par la terreur déposée en moi par mon cauchemar. Au fond je le sais déjà : cet étrange marchand de pierres précieuses est une menace pour moi et ceux que j'aime mais cette rencontre réveille aussi en moi la vie. Je me sens renaître.

 

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